Rêve.

Le vent sifflait doucement. Des mèches d’ébènes se balançaient joyeusement de part et d’autre de son visage séraphin. Elle souriait. C’était un peu ce temps là qu’il faisait lorsqu’elle était néee.
Evy délogea un banc et s’assit, avec toute la grâce d’un phacochère, s’étalant de tout son long sur le bois brun. Elle aimait contempler le ciel, les nuages grisonnant qui erraient dans le ciel obstrué, comme elle. Elle replia doucement ses jambes, et ferma se prunelles noires se voilèrent. Tous ses sens étaient plus aiguisés que jamais, et elle adorait cette imperceptible sensation de tout savoir, tout avoir, tout comprendre.

Même son cœur cognait fort dans sa poitrine. Elle l’entendait très distinctement, ce petit être en soi, dont le battement ressemblait à une singulière protestation.
Soudain, il y eut quelque chose d’autre, quelque chose qu’elle ne parvenait plus à identifier. Alarmée, la jeune fille, s’était levée d’une bond, comme surprise. Mais il n’y avait personne, rien qu’un reflet transparent. Alors elle avait sentit le froid, ce souffle insidieux qui se faufilait dans chaque parcelle de son corps fragile, et que rien ne semblait pouvoir arrêter.

Ses yeux de biche vrillèrent la silhouette qui approchait, avec un dédain profond

*Evy...*

Kael s'approcha de sa jumelle, légèrement narquois, et s'assit à côté de celle ci. Durant un instant, ils n'échangèrent pas la moindre parole, rien que des regards distants et méprisants.

-Je t'ai cherché, Evy. Tu devrais éviter de sécher les cours, surtout ces temps ci.

Evy ne répondit pas immédiatement, observant la silhouette du garçon. Son visage séraphin, annimé d'une lueur d'ironie, la même que celle de la jeune fille. Ce visage, si longtemps recherché, et qu'aujourd'hui, elle ne retrouvait plus qu'avec une vague rancoeur.

-Que cherches tu ? Tu n'as pas d'amis ?

Son ton était cassant et teinté de haine sauvage.

Toujours aussi gracieuse qu'une porte de prison décidement. Sans savoir pourquoi, il avait cette impression qu'Evy portait quelque chose de lourd en elle, quelque chose qu'elle voulait à tout prix cacher aux yeux des autres.
Les prunelles d'acier le fixaient.

-Je sais très bien que tu es vexée, je peux comprendre ça...Mais...

*Mais quoi ? Quoi ? Tu penses te faire pardonner ?*

Il s'en doutait, c'était ce qu'elle répondrait, il la connaissait si bien, au moins autant que lui, sa passion, sa violence, sa férocité.

Et pourtant, au lieu de ces mots chargés de violence, Evy inclina la tête et la déposa au creux du cou de Kael.

-Ne cherche pas à t'excuser. Soit comme avant, ne deviens pas lamentable, arrête de t'appitoyer sur ton sort, avance...C'est tout.

La jeune fille sourit amèrement. Rares étaient ces démonstrations d'affection mutuelles, face aux paroles acerbes qu'ils avaient coutume d'échanger.

-Redresse la tête.

Le silence, de nouveau, ce compagnon qu'ils avaient toujours eux. Kael pouvait sentir le souffle de sa soeur dans son cou. C'est alors qu'il remarqua que quelque chose n'allait pas. Le bras d'Evy, posé sur son genou était constellé de petit cratère.

Il se dégagea de l'étreinte presque amoureuse d'Evy.
Alors c'était ça. Evy ne se contentait plus de vendre de la drogue, elle en prenait directement.

-Evy...

Sa voix était blanche.

-Qu'est ce que tu as fait ?

*Qu'est ce que j'ai fait...*

Quelques mots, qui résonnaient dans sa tête.
Sans vraiment savoir pourquoi ni comment, avec une rapidité surprenante, la main d'Evy glissa dans sa botte et en ressorti avec un lime à ongle. Le regard trouble, obstrué par la drogue, elle se sentait chavirer vers un autre monde, irrésitiblement attirée vers celui ci.
De sa bouche pulpeuse, un cri aurait voulu s'échapper, peut être dire, va y, part, empêche moi de te faire du mal, s'il te plait, part...
Part...
Au lieu de ça, elle sentit la lame argenté s'enfoncer doucement, comme une caresse dans la peau de kael. Les yeux dans les yeux, elle comprit juste son acte, sans vraiment se poser d'autres questions.
Plus blême que jamais, son ange noir paraissait stupéfait.
Alors elle se détacha violement de lui.
Elle avait eut envie de le faire depuis si longtemps.

Et elle se mit à courir, le vent dans la crinière brune, avec quelques reste d'un sourire carnassier fiché sur ses lèvres.

Un sourire voilé sur ce visage féminin.
Une triste désillusion de plus.
Elle qui fuyait aussi loin qu'elle le pouvait.
Elle qui avait peur et qui souffrait.

Sa main gauche arracha la lime à ongle plantée dans son bras droit, avec un reste de grimace douloureuse. Le petit objet d'argent émit un son cristallin en tombant sur le vieux banc blanc, dont la peinture s'écaillait par endroit. Le sang, ce liquide porteur de vie, semblait vouloir s'échapper de son corps, comme avide de liberté, jaillissant abondamment.

Ses yeux, légèrement vague, ne virent pas une nouvelle personne approcher.

Tallulah qui passait par la pour aller rejoindre sa chambre, vit un garcon pencher sur un banc.

Elle s'approcha alors de lui pour voir ce qui lui arrivait et aussi parce que elle ne l'avait jamais vu auparavant.

Hey salut! Oh mais tu saignes!!! Vite a l'infirmerie et c'est pas discutable au cas ou tu voulais pas y aller!! Aller zou.

Elle attrapa alors le jeune homme pour l'emmener a l'infirmerie.

Kael ne broncha pas, un petit rictus cinique fiché sur ses lèvres.

"Venir ? Pourquoi donc ?"

Il remonta la manche de sa chemise, noyée sous le sang, révélant de multiples cicatrices.

"J'ai juste besoin d'un peu de calme, t'inquiète pas," murmura t'il avec un rien de désinvolture.

Tallulah regarda le bras du jeune homme.

Aller on se depeche, on attaque l'infirmerie!!!

Ah je vais encore rigoler toute seule!!

Aufaite comment tu t'appelle je ne t'ai encore jamais vu?

A ce moment Tallulah frisonna, elle avait vraiment besoin d'ecouter son baladeur sinon elle allait bientot sauter partout!! Elle partit alors vers l'infirmerie avec le garcon.

Encore un fois, il n'"avait pas su se maîtriser, c'était plus fort que lui, il avait pas su résister à la tentation de s'échapper de l'infirmerie. En même temps, le sang se coagulait sur sa chemise blanche. Il s'allongea dans l'herbe haute.
Avec un peu de chance, quelqu'un risquait juste de lui marcher dessus. Il voulait juste être un peu en paix, même si dans cet établissement c'était difficile. D'habitude, il était plutôt pour rechercher la compagnie d'autrui, mais là, c'était différent...

La verdure qui caressait doucement son corps lui rappellait le contact sauvage et âpre de la neige, dans la grande Russie natale, lorsqu'il s'était enfui, vivant parmi les animaux , comme l'un d'eux, jusqu'à ce qu'il échoue ici.

Il aimait bien cet endroit de l'école. C'était là qu'il avait reconnu Evy, fougueuse et impétueuse, cherchant la bagarre, comme toujours. Les yeux brillants de colère s'étaient tourné vers l'oportun, et tout deux s'étaient immobilisé.
Un sourire se figea sur son visage séraphin.
Ils s'étaient reconnu tout de suite.
Impulssif et contradictoire, Kael souhaitait maintenant quelque chose, quelqu'un, un être vivant, humain, quelqu'un qui puisse le comprendre, et partagé son chagrin. Qu'allait advenir Evy ?